~ Histoire d'Espagne ~

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116 - L'Après-franquisme -

1 - L'installation de la démocratie -

L'après-franquisme a commencé avant même la mort du caudillo, dès l'assassinat de l'amiral Luis Carrero Blanco, le 20 décembre 1973, premier ministre depuis le 9 juin 1973, chargé d'assurer la succession du régime ; après une interminable agonie, le général Franco meurt le 20 novembre 1975 ; disparaît alors le seul obstacle qui s'opposait au changement de régime politique.

Le roi Juan Carlos I° cherche une légitimité au moyen d'un habile marchandage avec les forces historiquement démocratiques, le parlement ayant pour but d'apporter la caution populaire à ce pacte implicite et secret.

Le 3 juillet 1976, Adolfo Suárez est nommé à la Présidence du Gouvernement ; ainsi, après 6 mois de prolongation vaguement réformiste du système conçu par le caudillo, Juan Carlos de Bourbon change le cap de la politique de son pays pour l'orienter vers la démocratie ; il ne s'agit pas de la brutale rupture réclamée par l'opposition, mais d'une réforme tout à la fois audacieuse et respectueuse de l'ordonnancement juridique en vigueur : la loi de réforme politique, proposée par Suárez, approuvée par les Cortès et ratifiée le 15 décembre 1976 par référendum national, constitue la première phase du projet de démocratie contrôlée par la Couronne ; les élections législatives du 15 juin 1977, dont les résultats réels ne sont connus que le 11 octobre suivant, voient le triomphe éclatant de l'Union du centre démocratique (Unión de Centro Democrático : UCD), coalition de centre droit, et du Parti socialiste ouvrier espagnol (Partido Socialista Obrero Español : PSOE), avec respectivement 34,22 % & 28,71 %.

Adolfo Suárez forme un nouveau cabinet et fait connaître son intention de déposer bientôt un projet de Constitution devant les Cortès.

Pour conduire dans les meilleures conditions possibles la "Transition démocratique espagnole", au Palais de la Moncloa à Madrid {siège du gouvernement}, le 25 octobre 1977 est conclu le "Pacte de la Moncloa" entre, d'une part, le gouvernement, et d'autre part :

- les principaux partis politiques ayant une représentation parlementaire,

- les associations professionnelles,

- les syndicats UGT (Unión General de Trabajadores) affilié traditionnellement au PSOE, & CCOO (Comisiones obreras), commissions organisées depuis les années 1970 par le PC espagnol et des groupes de travailleurs catholiques pour combattre la dictature franquiste,

la CNT (Confederación Nacional del Trabajo), de tendance anarcho-syndicaliste, fondée en 1910 à Barcelone, refusant de s'y associer.

Ce pacte se fixe comme objectif d'assurer une transition sereine vers un système démocratique par la mise en œuvre d'une politique économique destinée à lutter contre une inflation excessive (47 %). C'est un modèle de sortie volontaire et pacifique d'un régime dictatorial, sans cassure institutionnelle ni épurations, et de mise en place d'un régime démocratique recherchant, à chaque étape, l'assentiment populaire.

Ainsi, le 6 décembre 1978, le pays se dote d'une nouvelle Constitution qui reçoit une large approbation des citoyens, après un accord parlementaire plus large encore.

Le coup d'État manqué du 23 février 1981 {putsch du lieutenant-colonel Tejero, avec prise d'otages au Congrès des Députés} marque en Espagne, après 4 ans de régime parlementaire, le retour politique des forces armées, la classe politique s'étant révélée incapable de régler les grands problèmes du pays, dont celui des autonomies régionales. En effet, à partir de la formation du 3° gouvernement Suárez en avril 1979, les faiblesses du régime vont devenir manifestes, malgré le succès remporté par l'UCD aux législatives de mars 1979 ; en outre, au vu des principaux indicateurs économiques, le parti au pouvoir est à créditer d'un échec notoire : 15,5 % d'inflation, dette extérieure de 24 milliards de $, 17 % de dépréciation de la monnaie, hausse de 43,8 % des importations contre 22,5 % pour les exportations, taux de croissance du PNB de seulement 0,8 % en 1980...

Sur le plan extérieur, l'Europe & les États-Unis ont rapidement normalisé leurs relations avec l'Espagne et le 28 juillet 1977, à l'issue d'une grande offensive diplomatique, l'Espagne présente officiellement sa candidature pour devenir membre de la CEE ; son incorporation sera ratifiée en novembre 1977 pour une entrée effective, en même temps que le Portugal, le 1° janvier 1986.

 

2 - La Constitution de 1978 -

Le royaume d'Espagne est une monarchie parlementaire et sa Constitution, articulée en 11 titres & 69 articles, définit le rôle et les limites du pouvoir du monarque, et adopte le principe de la séparation des pouvoirs. Ainsi :

- le Roi, Capitaine général des Armées, est le chef de l'État & des forces armées ; garant de l'unité du pays, il est placé au-dessus des contingences de gouvernement, arbitre le fonctionnement des institutions, représente l'Espagne au sein des institutions internationales, dirige le conseil des ministres, attribue les emplois civils et militaires, les distinctions, mais ne peut dissoudre le parlement ; il dispose d'un droit de Grâce aux personnes. Sa succession est héréditaire ;

- le pouvoir législatif est détenu par le Congrès des députés et le Sénat, regroupés dans le Cortes Generales qui élaborent et votent les lois et élisent le président du gouvernement (premier ministre), sur proposition du Roi ;

- le pouvoir exécutif relève de la responsabilité du gouvernement qui dirige, depuis le conseil de ministres du Palais de la Moncloa, les administrations civiles et militaires, définit et met en œuvre la politique intérieure et extérieure du pays ; il est présidé par un chef de gouvernement, élu par le pouvoir législatif ;

- le pouvoir judiciaire, comprend le Ministerio fiscal, chargé de veiller au respect de la loi, des intérêts des citoyens, à l'indépendance de la magistrature, le Tribunal suprême, sorte de tribunal de cassation, l'Audience nationale, qui intervient pour des affaires nationales, les Audiences territoriales et provinciales, compétentes au niveau de la Province ou des Communautés autonomes pour les affaires n'entrant pas dans le champ de compétences de l’Audience nationale, et enfin, au niveau municipal, des tribunaux de première instance et des tribunaux de proximité.

 

3 - La Démocratie en place -

Le fonctionnement des institutions mises en place par la Constitution de 1978 permet dorénavant l'alternance démocratique ; ainsi, le 28 octobre 1982, soit 7 ans seulement après la mort du général Franco, la volonté populaire donne aux socialistes un succès qui, par son ampleur, leur ouvre les portes du pouvoir.

L'élection au Congrès des députés donne, avec 48,40 % des suffrages exprimés, 202 députés au Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE : Partido Socialista Obrero Español) et le 1° décembre, après 7 heures et demi de débats, Felipe Gonzáles-Marquez succède à Leopoldo Calvo-Sotelo, successeur d'Adolfo Suárez depuis 18 mois.

Le PSOE va diriger l'Espagne d'octobre 1982 à mars 1996, soit durant plus de 13 ans ; après une période d'alternance résultant d'une courte défaite devant le Parti Populaire (Partido popular : PP), parti conservateur fondé en 1989, conduit par José Maria Aznar, puis Mariano Rajoy, il reviendra au pouvoir de mars 2004 à décembre 2011.

Après les élections générales du 20 novembre 2011, le PP de Mariano Rajoy retrouve à nouveau le pouvoir après la déroute du PSOE d'Alfredo Pérez Rubalcaba.

Le roi Juan Carlos I° abdique le 18 juin 2014 et son fils, Felipe VI, lui succède.

Lors des élections du 24 mai 2015 les électeurs ont sanctionné les politiques d'austérité et la corruption inacceptable en période de crise économique ; le PP n'a obtenu aucune majorité mais les socialistes n'ont pas pour autant bénéficié de cette situation ; les contestataires de "Podemos", s'ils ont diabolisé les partis traditionnels de pouvoir, ne se sont pas révélés une force électorale, ne disposant d'aucune maîtrise du terrain politique, et le bipartisme, bien qu'érodé, continue d'occuper une place centrale dans le système politique espagnol.

Cependant, en l'absence de majorité politique, l'Espagne était en 2016 en quête d'un gouvernement stable...



15/04/2016

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