115 – Le Relèvement progressif -
1 – La vie économique & politique -
La majeure partie des crédits est affectée à la restauration de l'économie espagnole eu égard à son niveau au lendemain de la guerre civile. Les résultats sont remarquables ; en 25 ans, la production d'énergie a sextuplé, la production sidérurgique, quintuplé, la production lainière, doublé ; il en est de même dans le secteur minier et l'agriculture, principale richesse de l'Espagne, fait aussi de gros progrès : sur les 50 millions d'hectares de son territoire, 42 sont exploités, dont la moitié environ est consacrée à l'élevage, le sol pouvant maintenant faire vivre ses 32 millions d'habitants, les excédents considérables de vin, fruits, légumes et agrumes, étant exportés.
Jusqu'en 1959, la politique menée est nettement autarcique : contingentement des importations, contrôle des changes, difficultés opposées à la sortie des capitaux et des personnes ; en même temps, des organisations d'État prennent des initiatives importantes en matière de développement industriel, d'infrastructures routières et ferroviaires, d'édification de l'habitat ; mais l'effet n'atteint toutefois pas les espérances car, faute de pouvoir importer des biens d'équipement et des matières premières, les exploitations industrielles sont rapidement menacées d'effondrement et le revenu par habitant est très inférieur, Portugal exclu, à celui des autres pays européens, les salaires demeurant anormalement bas.
Aussi, à partir de 1959, un coup de barre est-il donné : le gouvernement entre dans la voie de la libéralisation ; la peseta est dévaluée et stabilisée, les contingentements progressivement supprimés ; l'effet est quasi-immédiat : si le déficit de la balance commerciale augmente, il est largement compensé par l'afflux de devises résultant du tourisme et des progrès de la production industrielle. De nouveaux plans d'infrastructure, d'urbanisation et d'irrigation sont lancés, par appel aux capitaux étrangers ; soucieux toutefois de ne pas compromettre l'indépendance nationale, le gouvernement souhaite qu'ils ne soient pas uniquement fournis par les États-Unis, et conclut, en ce sens, des accords de partenariat avec les pays européens ; ce sont les prémices de la participation espagnole au Marché Commun. Mais en dépit de ces relèvements, les salaires restent bas et la disparité existant entre le train de vie des privilégiés et la pauvreté de la grande partie de la population reste choquante.
Par la loi du 6 juillet 1947, adoptée par 87 % des votants, l'Espagne s'est déclarée un statut de Royaume ; aussi la succession du général Franco échoit-elle normalement à Don Juan, Comte de Barcelone, troisième fils d'Alphonse XIII (l'aîné est décédé d'un accident de voiture & le deuxième, sourd-muet a renoncé à toute prétention) ; mais Franco fixe sa préférence sur le fils de Don Juan, Don Carlos de Bourbon, prince des Asturies ; en décembre 1965, ce dernier déclare n'être pas disposé à succéder au général Franco, réaffirmant la légitimité de son père comme unique titulaire de la Couronne espagnole. En dépit de ce refus, le 25 juillet 1969, le général Franco désigne le prince Juan Carlos pour lui succéder ; avare de déclarations, ce dernier reste dans l'ombre de Franco, sauf pendant les 45 jours de son intérim de chef de l'État, du 19 juillet au 2 septembre 1974.
2 - Floraison intellectuelle -
À la grande "Génération de 1898" en ont succédé d'autres, à valeur égale ; pas d'écoles, l'individualisme espagnol ne pouvant s'y assujettir, mais une tendance au réalisme avec, chez les jeunes, la marque d'une forte empreinte laissée par la guerre civile.
Citons les romanciers Azorín (pseudonyme de José Augusto Trinidat Martínez Ruiz), Camilio José Cela, Jesús Fernández Santos, le poète et auteur dramatique Federico García Lorca, les poètes Dámaso Alonso, Rafael Alberti, Gerardo Diego, les essayistes & sociologues Madariago, José Ortega y Gasset, Luis Díez del Corral, les historiens Ramirez de Villa-Urrutia, Antonio Ballesteros, Gregorio Marañón (ce dernier est aussi un médecin de renom), le critique d'art Eugenio d'Ors, le cinéaste Luis Buñuel, le compositeur Manuel de Falla, les peintres Pablo Picasso, Juan Gris, Mariano Andreu, Juan Miró, Salvador Dalí, Antonio Tapies, le sculpteur Julian Antonio, l'architecte Antonio López García...
Depuis le Siècle d'Or, l'Espagne n'avait pas connu de floraison intellectuelle comparable.