113 - La Guerre Civile -
Une nouvelle et draconienne loi agraire est votée et les employeurs se voient obligés de reprendre tous les salariés congédiés pour faits de grève ; mais incendies, assassinats et émeutes deviennent endémiques et la vie économique est paralysée ; sous la direction de l'avocat Antonio Primo de Rivera, fils du défunt dictateur, les extrémistes de Droite s'organisent en une Phalange, imitée des Chemises noires fascistes d'Italie, et rivalisent de violence avec les extrémistes de Gauche. La guerre civile est inévitable.
Plusieurs chefs militaire se concertent et le 17 juillet 1936 le signal est donné par un brillant officier, le galicien Francisco Franco Bahamonde, catholique fervent, tiède monarchiste, brave et fort rusé, auquel ses services au Maroc ont valu à 33 ans l'accès au généralat. Des Canaries, où il est capitaine-général, il lance un appel aux armes et passe au Maroc où il soulève les garnisons ; suivis alors par leurs hommes, les généraux Mola & Quelpo de Llano s'insurgent, le premier dans le Nord du pays, le second en Andalousie ; le général Sanjurjo, chef d'État-Major général, pressenti pour prendre la direction des opérations, ayant péri dans un accident d'avion, c'est à Franco que revient le titre de Caudillo. Celui-ci franchit alors le détroit de Gibraltar en août 1936 et c'est le début de la tragédie.
Ni bagarres entre petits états catholiques voisins, ni révolte de comuneros sous Charles Quint, ni lutte entre partisans de 2 candidats à la couronne comme à l'aube du XVIII° siècle, ni insurrections patriotiques contre Napoléon, ni guerres localisées comme les luttes carlistes, ni pronunciamientos tragi-comiques comme en fut si riche le XIX° siècle, ne peuvent s'assimiler à une telle situation : cette fois l'Espagne entière s'embrase et ce sont tous les Espagnols, sans distinction d'âge ni de sexe, qui sont conduits à prendre parti au milieu d'un déferlement de passions haineuses.
Franco et ses associés ont cru à une promenade militaire ; mais une partie de l'armée et presque toute la marine, dont beaucoup d'officiers ont été jetés à la mer par leurs hommes, sont restés fidèles au régime républicain ; la masse populaire a également cessé d'être amorphe et quasi-indifférente, comme au temps des pronunciamientos car, sous l'impulsion des syndicats, tant ouvriers que paysans, comme des cellules communistes, elle va fournir des miliciens dont le nombre et l'enthousiasme compenseront leurs médiocres armement et encadrement.
Bien que les forces franquistes, qui ne tarderont pas à se qualifier de Nationalistes, aient une incontestable supériorité sur la plan de la discipline et des équipements militaires, bien que les phalangistes et les Requetes (miliciens de tradition carliste, à l'origine de Navarre) leur apportent une aide précieuse, elles ne progressent que lentement ; il leur faut 3 mois pour approcher Madrid ; à la fin de 1936, elles ne tiennent ni la capitale, ni la Catalogne, ni la province de Valence, ni la zone industrielle de la côte basque et des Asturies, et n'occupent que partiellement l'Andalousie.
En 1937, la guerre prend plus d'ampleur du fait des interventions étrangères ; sur l'initiative de la France, les grandes puissances d'Europe ont fondé un comité de non-intervention chargé d'assurer leur neutralité ; mais celle-ci n'est qu'apparente, le gouvernement français laissant s'organiser sur son territoire des brigades internationales qui vont porter leur aide aux Républicains, laissant également transiter un important matériel de guerre soviétique ; allant encore plus loin dans le mépris de la neutralité, l'Italie fasciste et l'Allemagne nationale-socialiste envoient chars, avions et formations de prétendus volontaires, en fait de véritables unités combattantes, au soutien des Nationalistes ; en 1937, 44 000 soldats italiens combattent sur le sol espagnol et le lundi 26 avril 1937 c'est l'aviation allemande – 44 avions de la Légion Condor – renforcée par l'aviation italienne fasciste, qui va anéantir sous les bombes la petite ville basque de Guernica ; cette bataille connait un fort retentissement médiatique auquel participe notamment le peintre espagnol Pablo Picasso avec son célèbre tableau "Guernica" présenté à l'Exposition Universelle de Paris le 12 juillet 1937.
Franco, dont le quartier-général est établi à Burgos, prend le titre de Chef suprême de l'État Espagnol, gouvernement reconnu par Rome et Berlin, et ses troupes investissent partiellement Madrid ; le gouvernement républicain est réfugié à Valence et c'est le général Miaja qui organise la défense de la capitale avec la participation active et efficace des femmes et des enfants. Une partie de la population et du clergé basques sont demeurés, par peur de voir Franco porter atteinte aux fueros, loyales à la République ; le 19 juin 1937, la prise de Bilbao, capitale de la communauté basque met fin à leur résistance ; plus tard tombent Santander, puis Gijón, et les Asturies sont à leur tour soumises ; en réaction, les Républicains déclenchent sur Teruel, en Aragon, une victorieuse offensive, mais, après une bataille qui durera du 15 décembre 1937 au 22 février 1938, les Nationalistes reprendront la ville réduite à l'état de ruine. Au début de 1938, les Républicains ne contrôlent plus 15 des 50 provinces.
Au début du printemps 1938, les troupes nationalistes marchent sur Valence que le gouvernement républicain a abandonné pour rejoindre Barcelone ; elles se heurtent, à hauteur de l'Ébre, à une résistance organisée dans de solides tranchées bétonnées ; faute de matériel et d'aviation, il faudra de longs mois avant que cette résistance ne cède ; et en décembre 1938, une vigoureuse offensive ouvre aux Nationalistes la route de Barcelone qui est investie le 26 janvier 1939.
350 000 Républicains franchissent en de pitoyables cortèges les cols des Pyrénées pour se réfugier en France d'où, près de la moitié partira pour l'Amérique latine. Au mois de février 1939, tous les gouvernements, l'Union Soviétique et le Mexique exceptés, reconnaissent le gouvernement nationaliste ; c'est le maréchal Pétain qui est accrédité en qualité d'Ambassadeur de France à Madrid.
Mais Madrid, bien qu'affamée et avec des défenseurs divisés, tient encore : Negrín, le "jusqu’au-boutiste" chef du gouvernement, est bientôt contraint de fuir ; le 28 mars 1939 face à des soldats républicains démobilisés, les troupes du général Franco pénètrent dans Madrid, acclamées par une partie de la population ; le 30 mars, Valence est occupée et le 31 mars, Almeria, Carthagène et Murcia capitulent.
Selon un communiqué diffusé le 1° avril 1939 par la radio de Burgos, la guerre civile est terminée ; elle a duré 32 mois, coûté la vie à plus d'un million d'êtres humains, dont environ ¼ de militaires et ¾ de civils, 150 000 d'entre-eux, dont 15 000 ecclésiastiques ayant été purement et simplement assassinés, 250 000 maisons ont été totalement détruites, et des régions entières dévastées...
Dans cette monstrueuse apocalypse, le caractère de la nation s'est manifesté dans une sorte de paroxysme, avec ses lumières et ses ombres : héroïsme, mépris de la vie, cruauté ; de part et d'autre, l'honneur a été sauf, n'est-ce pas ce qui, aux yeux des Espagnols, compte davantage que les ruines et le sang versé ?
Dans el Valle de los caidos (Vallée des Morts, littéralement, de ceux qui sont tombés), proche de l'Escorial, Franco consacrera aux "Héros et Martyrs de la Croisade" (entendre combattants nationalistes victimes de la guerre) un Panthéon religieux dont l'austère majesté ne cède en rien à celle du palais-monastère de Philippe II tout proche {El Real Sitio de San Lorenzo de El Escorial}.
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