100 - Isabelle II & les Guerres Carlistes -
Ferdinand VII meurt le 29 septembre 1833 et sa fille aînée qui n'a que 3 ans est proclamée reine sous le nom d'Isabelle II et c'est la reine veuve, Marie-Christine de Bourbon, fille de François I° des Deux-Siciles, 4° épouse de Ferdinand VII, qui assume la régence.
Mais Don Carlos, frère cadet du monarque défunt, n'accepte pas cette dévolution, invoquant la nullité de la révocation de la Pragmatique de Philippe V, et s'affirme comme souverain légitime sous le nom de Charles V ; i réside alors au Portugal mais a de nombreux partisans dans le royaume d'Espagne, surtout en Navarre. La défense des fueros, ces franchises locales, sera le principal moteur de son insurrection. La politique centralisatrice du premier ministre, Cea Bermudez, déclenche la fureur de certains espagnols qu'attise le clergé local d'ancienne tradition anti-castillane ; l'insurrection aurait fait long feu si Thomas Zumalacarreguy n'en avait pas pris le commandement : ancien officier chassé de l'armée, c'est un chef né et sous son impérieuse direction les montagnards de Navarre & de l'Alava voisine s'organisent en troupes redoutables.
Au milieu de 1834, Don Carlos que la Prusse, l'Autriche & la Russie ont reconnu comme roi légitime d'Espagne, quitte le Portugal par mer et par la France gagne les provinces révoltées en vue de s'emparer de la garnison loyaliste de Bilbao pour ensuite marcher sur Madrid. Attendant pour agir un signe de la Providence, ce n'est qu'en 1835 qu'il attaque Bilbao ; Zumalacarreguy, blessé à mort, ne sera jamais complètement remplacé.
À Madrid où les grossesses successives de la Régente, qui a épousé en secret Ferdinand Muñoz, un officier des gardes, font quelque scandale. Cea Bermudez est remplacé par le talentueux écrivain Martinez de la Rosa et un statut royal est promulgué, instituant un régime parlementaire mitigé, concession insuffisante pour les libéraux avancés dont la propagande commence à trouver un écho auprès du peuple espagnol. Une épidémie de choléra se déclare à Madrid et 80 moines, accusés d'avoir empoisonné les puits, sont massacrés par la foule ! De semblables forfaits sont commis en Catalogne et des tentatives de pronunciamentos se multiplient, fomentées par des officiers revenus d'Amérique, vaincus et remplis d'aigreur. Sous la présidence du financier Mendizabal, la Régente, débordée, forme un ministère "de gauche" qui ferme les couvents, confisque leurs biens et rompt avec le Saint-Siège.
Une guerre d'embuscades et de coups de main fait maintenant rage entre "Carlistes" & "Christiniens" et en 1837 les Carlistes arrivent en vue de Madrid ; mais les querelles qui déchirent aussi leur État-Major les contraint à la retraite ; un général carliste, Rafael Maroto, ancien militaire des guerres d'indépendance d'Amérique du Sud, prend alors contact avec le commandant en chef christinien, Baldomero Espartero, prince de Vergara, duc de la Victoria et de Morella, comte de Luchana & vicomte de Banderas, et après la déroute des troupes carlistes, un accord {l'embrassade de Vergara} est conclu le 29 août 1839 à Oñate reconnaissant la reine Isabelle II et le maintien des fueros basques et navarrais ! Don Carlos désavoue Maroto, mais ses troupes, lasses, se débandent ; il cherche refuge en France, entraînant toutefois après lui 6 000 soldats et près de 20 000 partisans.
La première guerre carliste s'achève mais la quiétude n'est pas pour autant revenue ; les Christiniens sont âprement divisés en modérés & progressistes. Ébauches de pronunciaments, crises ministérielles et éphémères réformes constitutionnelles se succèdent, la misère s'étend et le brigandage sévit. Un parti républicain de tendance fédéraliste se constitue et trouve audience en Andalousie et en Catalogne.
Des élections ayant amené aux Cortès une majorité modérée, un soulèvement des forces "de gauche" éclate en septembre 1840 ; invité par la régente à le réprimer, le général Espartero s'y refuse ; à bout de force, abandonnée de tous, Marie-Christine de Bourbon s'enfuit de Madrid pour gagner la France.
Isabelle II n'a que 10 ans et une régence est indispensable ; de nouvelles Cortès la confient à Espartero, fait pour l'occasion "Duc de la Victoire", qui est rapidement en butte aux attaques, tant des modérés que des républicains, et des troubles sanglants éclatent à Madrid, Pampelune, Saragosse & Barcelone où un bombardement de la ville est nécessaire pour ramener le calme ; dans les Provinces basques et en Navarre, les Carlistes reprennent même un moment les armes.
En 1843, le jeune général Juan Prim se prononce victorieusement et pénètre dans Madrid d'où il chasse Espartero, mettant à profit la défection des troupes gouvernementales ; il est à son tour évincé par un autre général, Ramón Maria Narvaez, de tendance réactionnaire ; Marie-Christine de Bourbon est rappelée mais, comme il ne paraît pas souhaitable qu'elle prenne le titre de régente, Isabelle II, bien qu'à peine adolescente, est proclamée majeure.
Autour de la petite souveraine foisonnent les cabales ; en 1846, une conspiration de palais provoque la chute de Narvaez ; à Madrid les ministères se succèdent tandis que dans les provinces l'agitation reste endémique.
La grande affaire qui occupe non seulement les milieux officiels espagnols, mais beaucoup de cabinets européens, est celle des mariages d'Isabelle et de sa sœur cadette, Louise-Fernande ; après d'âpres négociations entre Louis-Philippe de France & la reine Victoria d'Angleterre, il est convenu qu'Isabelle épousera un Espagnol, son cousin François d'Assise, duc de Cadix, et que Louise-Fernande deviendra la femme du duc de Montpensier, 5° fils de Louis-Philippe ; comme il est notoire que François d'Assise n'a aucun goût pour le beau sexe, le roi des Français espère ainsi que Montpensier assurera la succession ; le double mariage est célébré le 10 octobre 1864.
En 1847, Narvaez revient aux affaires, aidé par le Joli général Serrano qu'Isabelle a pris pour amant ; mais l'avènement de la Deuxième République en France en 1848 provoque un fâcheux contrecoup en Espagne : la Reine est conspuée dans les rues de Madrid dont 4 mois et beaucoup de sang sont nécessaires pour réduire la double insurrection, Républicaine d'un côté, et Carliste de l'autre, qui éclate en Catalogne.
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