~ Histoire d'Espagne ~

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094 - Le Réveil du Peuple espagnol -

Pendant que se déroulent à Bayonne ces lamentables scènes, l'insurrection éclate à Madrid.

Le 2 mai 1808, le peuple ayant tenté de s'opposer au départ des souverains pour Bayonne en bousculant quelques soldats français, Murat veut faire un exemple et fait pénétrer quelques régiments de cavalerie dans la ville ; des coups de feu sont tirés par des madrilènes à travers des persiennes et quelques traînards sont massacrés ; la cavalerie réplique et, sabre au clair, charge la foule qui s'est massée place de la Puerta del Sol et dans les rues avoisinantes.

Le soir, des commissions militaires hâtivement constituées condamnent à mort les émeutiers pris les armes à la main ; on fusille toute la nuit et la matinée du lendemain. S'il ne semble pas que plus de 300 madrilènes aient péri, contre 150 soldats français, le souvenir de ces journées des dos y tres de mayo 1808, fixé par Francisco de Goya dans 2 toiles vengeresses, reste gravé au cœur des Espagnols et marque l'aube de la lutte victorieuse pour l'indépendance.

Napoléon décide de promouvoir son frère Joseph, qu'il a déjà fait Roi de Naples, au trône d'Espagne ; au début de juillet 1808, le nouveau monarque arrive dans son Royaume qu'il trouve en pleine insurrection, la nouvelle du soulèvement madrilène ayant suscité un enthousiasme général ; malgré tout son génie, Napoléon ne réussira pas à éteindre l'incendie ainsi allumé, surtout pas en divisant le pays en régions, ce qui favorise la résistance, un foyer s'allumant dès qu'une autre s'éteint ! Dès le mois de juin, des juntes insurrectionnelles se constituent à Séville, Murcie, Valence, en Catalogne, dans les Asturies, en Galice... Le 24 juin 1808, celle des Asturies déclare officiellement la guerre à Napoléon, soulevant une armée de 18 000 hommes et réclamant l'appui de l'Angleterre ; sous l'impulsion du clergé, une guérilla générale débute, massacrant tout français isolé. Malgré quelques succès des forces françaises dans le Nord et en Andalousie, devant les 30 000 Espagnols du général Castaños, renforcés de 3 000 mercenaires Suisses, les troupes du général Dupont capitulent le 22 juillet 1808 près de Bailén. Le Roi Joseph, qui vient à peine d'entrer à Madrid, doit l'évacuer et une junte suprême de l'insurrection s'installe en Aranjuez.

Au Portugal, les affaires de l'envahisseur ne vont pas mieux, un corps expéditionnaire britannique y ayant débarqué sous les ordres du général Arthur Wellesley, le futur Wellington, Junot, qui ne tient plus que Lisbonne, se voit contraint de capituler le 30 août 1808.

Napoléon constate que sa présence en Espagne est pourtant indispensable ; à la tête de 160 000 hommes de ses plus belles troupes, répartis en 7 corps d'armées, il pénètre en Espagne : l'espoir change alors de camp et après un violent bombardement, Madrid capitule le 4 décembre 1808, Napoléon y pénétrant à 6 heures du matin pour y recevoir les chefs madrilènes et leur promettre l'amnistie générale ; à 10 heures, le général Belliard prend le commandement de la ville "Je la tiens enfin, cette Espagne tant désirée" s'exclame l'Empereur qui, croyant avoir tout réglé, regagne Paris.

La Junte suprême se retire à Séville et passe un traité d'alliance avec l'Angleterre. L'année se poursuit en combats confus. Le commandement français manque d'homogénéité, Joseph, commandant en chef, n'ayant guère de prestige et les maréchaux, méconnaissant son autorité, se jalousent entre-eux car cette guerre, faite de commandos, de guérillas, de guet-apens et d'expéditions punitives, ne leur convient pas ; se considérant comme sacrifiés, ils cherchent en compensation à s'enrichir, entassant dans leurs équipages des trésors de guerre provenant du pillage des églises ; ces déprédations sacrilèges exaspèrent et attisent la guérilla ; les épisodes cruels se succèdent, tels le siège de Saragosse où plus de 20 000 habitants ont péri, les armes à la main ou emportés par le typhus.

A Madrid, Joseph essaie d'installer un gouvernement régulier ; il réussit à se concilier certains éléments de la classe supérieure, les afrancesados {les francisés} attirés par l'appât du gain ou des libéraux estimant qu'une dynastie nouvelle est capable de faire avancer l'Espagne vers la voie de l'évolution. Parmi eux, on trouve des hommes aussi distingués que l'ancien ministre Urqujo, le général O'Farril, l'auteur dramatique Moratín, le peintre Goya et le chanoine Llorente, ancien confesseur de Charles IV ; au début de 1810, les troupes françaises réussissent quand même à maîtriser une partie de l'Andalousie ce qui laisse un moment espérer l'affermissement du trône de Joseph.

La Junte suprême se réfugie alors à Cadix sous la protection anglaise, ville dont les Français n'arrivent pas à s'emparer ; déchirée par les dissentiments intérieurs, elle cède la place à un conseil de régence qui, au nom de Ferdinand VII prisonnier, convoque les Cortès ; dans un pays occupé, l'élection des Cortès est difficile ; ses chambres sont surtout composées de nobles, de bourgeois aisés et d'intellectuels ; unies contre l'occupant, une faible minorité mise à part, elles ne sont pas d'accord sur l'orientation à donner au pays, les réformateurs l'emportant néanmoins sur les traditionalistes. La Constitution votée en mars 1812 qui en découle est inspirée de la première Constitution française de 1791 : monarchie héréditaire, strictement bridée, assemblée législative unique élue selon un système censitaire, stricte séparation des pouvoirs ; l'Inquisition y sera abolie, mais sera maintenue l'interdiction de la pratique d'une religion autre que catholique.

Tandis qu'à Cadix se déroule avec force discours éloquents le débat constitutionnel, la lutte armée se poursuit dans le pays. Les Français sont peu à peu chassés des Asturies et des Provinces basque mais parviennent à dompter l'Estrémadure et la région de Valence.

En 1812, l'armée de Wellesley, maintenant Lord Wellington, qui s'était jusqu'alors tenue retranchée au Portugal, pénètre en Espagne et, grossie des contingents espagnols et portugais, s'empare de Ciudad Rodrigo, de Badajos, de Salamanque et après la victorieuse bataille près du village d'Arapiles du 22 juillet 1812, occupe enfin Madrid d'où déguerpit le Roi Joseph.

En raison des prélèvements de troupes réalisés par Napoléon en vue de sa campagne de Russie, l'armée française est considérablement affaiblie ; cependant, après avoir évacué l'Andalousie, elle se regroupe dans la région méditerranéenne pour reconquérir Madrid à la fin de l'année 1812.

Wellington, que les Cortès de Cadix viennent de nommer commandant en chef, pourchasse alors des troupes françaises démoralisées et le 21 juin 1813, les défait complètement près de Vitoria, en pays basque. Le roi Joseph se réfugie à Saint-Jean-de-Luz et les Français ne tiennent plus, et pour peu de temps d'ailleurs, que Pampelune et quelques places de Catalogne.



03/04/2016

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