~ Histoire d'Espagne ~

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091 - La Déchéance politique de l'Espagne -

D'une sensualité effrénée, outrageusement fat, Godoy n'en n'offre pas moins certaines qualités : d'intelligence prompte, travailleur facile, d'instinct libéral, dévoué au bien public, il fait exécuter d'utiles grands travaux, protège arts et lettres – grâce à lui, Francisco de Goya y Lucientes sera premier peintre de la Cour – et choisit bien ses collaborateurs, ses ministres Jovellanos & Saavedra comptant parmi les esprits les plus brillants de l'époque.

Sa politique lui vaut cependant de solides inimités : hostilité du Clergé, sarcasmes populaires, méfiance du Directoire à Paris ; en 1798, sentant sa situation ébranlée, il donne alors sa démission de principal Secrétaire d'État, gardant ses entrées à la Cour et ne tardant pas à reprendre dans l'ombre toute son influence.

L'aimable Urquijo qui lui succède à la tête des affaires étrangères va se heurter en France au Coup d'État du 18 brumaire qui fait du général Bonaparte, sous le titre de Premier Consul, le maître de la République ; et l'Espagne l'intéresse à un triple titre : ses alliances avec les états italiens, sa forte marine et les richesses se son empire colonial. La Cour de Madrid est bien incapable de lui faire intelligemment face ; c'est le moment où Goya peint La famille de Charles IV qui campe les Bourbons d'Espagne dans une béate présentation de leurs croix, diamants, dentelles, chamarrures et autres stigmates de leur avilissement. Un bien tentant jeu de massacre ; mais Bonaparte ne brusque rien, il se fait aimable et obtient même que la Louisiane soit cédée à la France. A la fin de 1800, Urquijo est disgracié et Godoy reparaît.

Le Premier Consul juge alors le moment venu ; son frère Lucien, nommé ambassadeur à Madrid, entame avec le favori une négociation qui aboutit, le 13 février 1801 à Aranjuez, à la signature de 3 conventions :

- l'Espagne s'engage à adresser un ultimatum au Portugal, l'invitant à rompre son alliance avec l'Angleterre,

- l'Espagne met un certain nombre de navires de guerre à la disposition de la flotte française,

- Ferdinand, frère de Marie-Louise, doit renoncer à son duché de Parme en échange de la Toscane, qui prend le nom de Royaume d'Étrurie.

Ni Charles IV, ni le Prince de la Paix, n'imaginent l'état de sujétion dans lequel les mettent ces conventions.

Le Portugal repousse l'ultimatum ; la guerre est déclarée et Godoy, avec le titre de généralissime, prend la tête des forces espagnoles ; 4 jours après le début des hostilités, la Cour de Lisbonne songe déjà à un armistice ; en guise de lauriers, les soldats du généralissime lui offrent des branches d'orangers, d'où le nom de Guerre des Orangers qui restera à l'affaire. Bonaparte veut mater le Portugal, mais avec la complicité de Lucien Bonaparte, la paix est hâtivement signée le 6 juin 1801 à Badajoz, le Portugal cédant une petite ville frontière à l'Espagne, une partie de la Guyane à la France, et payant un tribut de guerre dont Godoy et Lucien tirent le plus grand profit... Napoléon tempête puis se calme, le diable boiteux Talleyrand lui murmurant qu'il dispose en Espagne d'une poire qui mûrit ! Toutefois un nouveau traité sera signé le 29 septembre 1801, plus sévère pour le Portugal mais lui évitant quelques temps encore la violation de son territoire.



03/04/2016

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