061 - La Politique extérieure de Philippe II -
Philippe II poursuit également à l'extérieur la politique de son père : tentative d'étouffement de la France, guerre contre les Turcs, lutte contre l'hérésie aux Pays-Bas et efforts pour briser la puissance naissante de l'Angleterre.
1 - La France -
En 1547, Henri II succède à François I°. Avec la complicité des princes protestants allemands et pour donner de l'air au royaume, il s'empare des évêchés de Metz, Toul & Verdun et s'allie avec le Pape désireux de secouer l'Italie du joug de sa tutelle espagnole.
Mais Philippe II réagit et ses armées battent les troupes françaises et pontificales en Italie et envahissent la Picardie, s'emparant de Saint-Quentin en 1557 ; en revanche, François de Guise enlève Calais, possession anglaise, Marie Tudor, l'épouse de Philippe II étant également reine d'Angleterre.
À bout de ressources, les 2 & 3 avril 1559 les parties signent la paix de Cateau-Cambrésis : la France renonce définitivement au Piémont et au Milanais mais conserve les évêchés & Calais. Marie Tudor étant décédée l'année précédente, Élisabeth, fille d'Henri II, est donnée en mariage à Philippe II.
Malgré cette union, une guerre larvée persiste avec la France, Philippe II soutenant la Ligue des Catholiques pour tenter de freiner l'avancée hérétique.
Quant en 1589, après avoir reconnu les droits d'Henri de Navarre au Trône de France, Henri III de France meurt assassiné, Philippe réunit une commission de juristes qui proclame la nullité de la Loi salique {code régissant les règles d'héritage, dont un article, exhumé par des juristes de la dynastie royale des Capétiens, isolé de son contexte, est employé pour justifier l'interdiction faite aux femmes de succéder au trône de France} en vue de doter sa fille de la couronne de France. Sa tentative ne rencontre qu'un faible écho, même chez les ligueurs français dont l'influence est définitivement ruinée par la conversion au catholicisme d'Henri de Navarre, devenu Henri IV de France, le 25 juillet 1593. La guerre se poursuit tout de même entre Philippe II et Henri IV jusqu'à la signature du traité de Vervins le 2 mai 1598, qui se borne à constater le statu quo.
2 - Les Turcs -
L'armée du Grand Turc est contenue en Hongrie, mais sa marine aidée des pirates barbaresques ne cesse d'étendre son emprise sur la Méditerranée : Tunis tombe en 1569 puis Chypre en 1571.
À l'appel du Pape Pie V, une alliance est conclue entre l'Espagne, le Saint-Siège, Venise, Gênes, Malte & la Savoie. Une important flotte est constituée sous le commandement de Don Juan d'Autriche, fils naturel de Charles Quint ; la rencontre a lieu en Grèce le 7 octobre 1571, au large de Lépante, dans le golfe de Patras, entre la mer Ionienne et le golfe de Corinthe, à proximité de Naupacte (alors Lépante), et tourne à l'avantage des Chrétiens {Un soldat espagnol, romancier, poète, dramaturge, passé à la postérité, Miguel de Cervantes, y perd la main gauche, ce qui lui vaudra le surnom de manco de Lepanto, le manchot de Lépante}. Pour célébrer cette victoire chrétienne, le Pape institue la fête commémorative de Notre-Dame-des-Victoires, mais la mésentente des Chrétiens ne permet pas encore de contenir l'invasion ottomane.
3 - Les Pays-Bas -
Ils sont constitués d'un agglomérat de provinces venues à la couronne d'Espagne par l'héritage bourguignon. S'ils recueillaient la tendresse de Charles Quint, ils éveillent la méfiance de Philippe II à raison principalement de leur conversion au calvinisme et au luthéranisme.
Philippe en confie le gouvernement à sa demi-sœur, Marguerite de Parme, qui laisse le pouvoir à un arrogant prélat, le cardinal Granvelle lequel, sur les instructions du roi, tente d'y introduire l'Inquisition. Dirigée par le prince Guillaume d'Orange et les comtes d'Egmont & de Horn, la noblesse flamande proteste et des émeutes éclatent accompagnées de pillages d'églises. Le duc d'Albe, qui succède alors à Marguerite de Parme en 1567, met les Pays-Bas en état de siège et institue un "Tribunal des troubles" qui prononce des milliers de sentences de mort. Egmont et Horn sont décapités. Guillaume d'Orange s'enfuit en Allemagne puis revient en 1572 à la tête d'une petite armée pour organiser l'insurrection protestante. A bout de ressources, Philippe substitue au duc d'Albe le non moins violent Don Luis de Requesens qui tente une négociation qui achoppe sur la question religieuse. Bien que catholiques, les provinces du Sud sont pillées par les troupes espagnoles dont la solde n'est plus versée et en 1576, les provinces du Sud et du Nord s'allient pour réclamer le départ des troupes espagnoles et la convocation d'États Généraux.
Juan d'Autriche, vainqueur de Lépante, succède à Requesens mais meurt en 1578 sans rien avoir réglé ; Alexandre Farnèse, fils de Marguerite de Parme, plus avisé, réussit à détacher les Provinces Catholiques des Provinces Protestantes. Celles-ci, au nombre de 7 : Zélande, Hollande, Gueldre, Utrecht, Over-Yssel, Frise & Groningue, se constituent en une fédération qui se proclame indépendante sous le nom de République des Provinces-Unies. Guillaume d'Orange, ayant péri assassiné, c'est son fils, Maurice de Nassau, qui prend la tête de l'Armée protestante.
Outre l'Espagne, cette lutte intéresse aussi l'Angleterre et surtout la France où le duc d'Anjou, frère du roi Henri III, est pressenti comme souverain des Pays-Bas ; les huguenots allemands fournissent armes et troupes comme le fait plus que discrètement la reine Élisabeth d'Angleterre, animée de multiples raisons militaires et commerciales pour mettre fin à la domination espagnole sur les Pays-Bas, même si, pour sa part, Philippe II a autant de motifs de plaintes du fait de l'attaque de ses galions par les corsaires anglais au cours de leurs multiples incursions dans les Îles antillaises et sur les côtes d'Amérique. Poussé à bout, il décide de constituer une grande flotte, une armada, afin de récupérer dans la partie des Pays-Bas restée loyale à l'Espagne les troupes nécessaires à l'invasion de l'Angleterre.
Le 8 février 1587, la décollation de la catholique Marie Stuart, ancienne Reine de France & d'Écosse, lève ses dernières hésitations et en juin 1588, sous le commandement du duc de Medina Sidonia, brave mais fort peu marin, après avoir été copieusement bénie et placée sous la protection de l'Immaculée Conception, ce qui lui vaut le nom d'Invincible armada, elle prend la mer pour rejoindre la côte flamande afin d'y embarquer les troupes rassemblées par Alexandre Farnèse. Mais dans le Pas-de-Calais, harcelée par la houle et la marine anglaise plus légère et plus mobile, elle s'embosse le 6 août 1588 devant Calais. Profitant de la nuit, les Anglais lui jettent des brûlots chargés de poudre ; l'ordre est donné de lever l'ancre et au petit jour, l'invincible armada est dispersée au large de Gravelines. Face à une flotte anglaise encore intacte, dans l'impossibilité de gagner les côtes de Flandre, profitant des vents et des brumes, Sidonia pousse vers le nord pour tenter de regagner l'Espagne en croisant au large de l'Écosse, Une partie de l'armada se brise sur les récifs de la côte écossaise et à la fin de septembre 1588, l'invincible armada, réduite de moitié, rejoint le port de Santander.
"J'avais envoyé une flotte vaincre les hérétiques, pas les éléments", dira Philippe II.
La guerre se poursuit aux Pays-Bas jusqu'au début du règne suivant, Philippe constituant les Provinces catholiques du Sud en un état semi-autonome dont il confie la régence à sa fille Isabelle-Claire-Eugénie, épouse d'un archiduc autrichien.
4 - Le Portugal -
Le seul succès diplomatique et militaire de Philippe II est celui de l'annexion du Portugal. Depuis le XIV° siècle, avec ses lois, ses mœurs et sa langue particulières, ce royaume mène une existence distincte de celle du reste de la péninsule ibérique. Il a constitué un vaste empire colonial en Afrique Occidentale, au Brésil, sur les côtes de l'Inde et les Îles de la Sonde (Java, Bornéo, Sumatra), et Lisbonne est une des plus florissantes cités d'Europe.
En 1578, au cours d'une croisade au Maroc, le Roi Dom Sébastien, neveu de Philippe II, est tué lors d'un affrontement à El Ksar el Kébir. Sans héritier direct, sa succession revient à un parent fort âgé, le cardinal Henri à la mort duquel, en 1580, Philippe II fait alors valoir les droits qu'il tient de sa mère, Isabelle de Portugal. Admis par les Cortès du Portugal, mais refusé par une minorité, Philippe envoie une armée commandée par le duc d'Albe qui défait l'armée du prieur Crato, prétendant au trône. Philippe convoque à nouveau les Cortès et il est proclamé souverain du Portugal, rétablissant ainsi, pour la première fois depuis les Romains, l'unité de la péninsule ibérique.
Prudent, il laisse au Portugal la plus grande autonomie, se faisant représenter par un membre de sa famille et confiant les emplois publics aux Portugais. Mais après plusieurs années de batailles militaires et diplomatiques, sous la médiation du roi Charles II d'Angleterre, par la signature du Traité de Lisbonne du 12 février 1668 l'Espagne de Charles II met fin à 60 ans de tutelle et reconnaît l'indépendance du Portugal.
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