060 - La Politique intérieure de Philippe II -
Philippe II, roi d'Espagne & des Indes, a 28 ans à la mort de son père, le 21 septembre 1558. Profondément espagnol, studieux, appliqué, c'est un homme de cabinet et de dossiers, ainsi qu'un fin politique, comme l'attestent ses mariages successifs. À son accession au trône, veuf une première fois de Marie-Manuelle de Portugal, il est l'époux de la reine d'Angleterre, Marie Tudor, qui a 11 ans de plus que lui et manque cruellement de charme... Il la quitte au bout d'un an et ne la revoie qu'une seule fois avant qu'elle ne décède. Viennent ensuite la charmante Isabelle de Valois, fille du roi de France Henri II, puis la princesse Marie-Anne d'Autriche. Il a un fils, Philippe, issu de sa première union, et de ses autres enfants mâles, un seul lui survivra.
Sur le plan intérieur, il perpétue la politique autoritaire et centralisatrice de son père : si les fueros sont respectés, sauf en Aragon les Cortès des différents Royaumes d'Espagne ne sont plus guère convoqués. Les Ricos Hombres devenus Grands d'Espagne sont moins nombreux et politiquement affaiblis. La bureaucratie s'alourdit : Conseil d'État, de Castille, d'Aragon, des Indes, de la Chambre, sous contrôle du Roi. En province, corregidors & alcaldes exercent, au nom du roi, des pouvoirs administratifs et judiciaires. Lenteur et corruption caractérisent cependant cette gestion, mais la vénalité des offices, si forte en France à cette époque, y est inconnue. L'Inquisition est renforcée pour la lutte contre les hérétiques catholiques, partisans de la Réforme : interdiction d'importation d'écrits étrangers, autodafé, ce qui met l'Espagne à l'abri des guerres de religion...
Le régime présente un grave point faible, ses finances ; les richesses d'Amérique entretiennent les corps expéditionnaires, mais les impôts, à raison d'une fiscalité peu adaptée et d'un marasme économique important, rentrent mal, le régime des fueros faisant obstacle à l'augmentation des taxes indirectes. Les causes principales en sont :
- la hausse des prix intérieurs à la suite de l'afflux des métaux précieux, les produits locaux devenant alors inexportables,
- l'expulsion des éléments les plus laborieux et productifs, les juifs et les musulmans,
- la répugnance des espagnols de sang pur aux travaux manuels,
- le déboisement et l'abandon de cultures vivrières au profit de l'élevage du mouton en raison des privilèges scandaleux dont jouit la Mesta, puissant lobby de propriétaires de grands troupeaux,
- enfin une possible modification climatique qui intensifie la sécheresse du plateau central.
La décadence du commerce et de l'agriculture accroît le chômage en dépit de la forte émigration vers les Amériques et de l'hypertrophie des ordres religieux. De 14 millions au début du XVII° siècle, la population n'est plus alors que d'une dizaine de millions d'habitants.
Philippe II prend en 1561 la décision de doter le royaume d'une capitale : c'est Madrid. Cependant, le 10 août 1557, après sa victoire de Saint-Quentin sur les troupes françaises d'Henri II, il a fait vœu de fonder le jour de la fête de Saint-Laurent un édifice pour s'y réfugier : c'est San-Lorenzo del Escorial, plus monastère que palais, dont la construction, non loin de Madrid et dans un site sauvage, est confiée en 1563 à Juan-Bautista de Toledo puis achevée en 1594 par Juan de Herrera, sa forme de gril rappelant l'instrument de torture du saint. L'étiquette de Cour introduite par Charles Quint est renforcée, le roi se faisant plus lointain, cette conception de la royauté étant peu à peu copiée par les autres cours d'Europe.
Politique, mais aussi calculateur quand les intérêts supérieurs de l'État sont en cause, il éloigne Don Carlos, fils issu de sa première union, extravagant, sadique et déséquilibré, incapable de lui succéder, en l'enfermant dans une chambre de l'Alcazar de Madrid où le prince va bientôt succomber. De même, plus ténébreuse, est l'affaire Pérez, secrétaire intime du roi et amant de la princesse d'Eboli, veuve d'un grand seigneur : la liaison faisant scandale, le roi décide de se défaire de Pérez en l'incitant à assassiner celui qui a découvert sa liaison, un certain Escobedo, surtout soupçonné de complot politique ; pour que ne soit pas connue la participation du roi, Pérez est jeté en prison ; libéré, de nouveau en faveur, il se retrouve réincarcéré, cette fois comme possesseur de trop de secrets d'État. Il réussit à s'évader pour se réfugier en Aragon où éclate une véritable insurrection quand l'Inquisition veut l'y poursuivre. Il finit par se réfugier en France où ses révélations vont entacher la réputation de son ancien souverain.
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