~ Histoire d'Espagne ~

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072 - La Littérature -

Quels que soient l'éclat et le prestige de la littérature religieuse, les lettres profanes ne sont pas négligées ; c'est une floraison de poètes, romanciers, auteurs dramatiques, historiens qui, bien que d'une profonde fécondité, sont aussi officiers, courtisans, fonctionnaires, religieux, bandits... Le jaillissement est perpétuel et deux genres d’œuvres connaissent une vogue prodigieuse : le romancero et le roman.

Inspiré des vieilles romances des troubadours, le romancero est un poème en vers octosyllabiques traitant de sujets historiques, amoureux ou moraux. Le roman, où parfois les vers se mêlent à la prose, raconte tantôt de prodigieuses aventures de chevaliers errant dans les sortilèges et les enchantements, tantôt d'interminables idylles conventionnelles de bergers et bergères, de haute fantaisie, tantôt la carrière d'un bon compère plus adroit que scrupuleux. Le prototype du roman de chevalerie est Amadis de Gaule, d'auteur inconnu, celui du roman pastoral est la Diane de Jorga de Montemayor, celui du roman picaresque est le Lazarillo de Tromès d'Hurtado de Mendoza. Auteur également d'occasion, le grand Miguel de Cervantes Saavedra, fils d'un chirurgien d'Alcalá de Henares, engagé dans les troupes de Don Juan d'Autriche rédige en 1605, sous le règne de Philippe II, la première partie de El ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha dont l'idée initiale est de ridiculiser le mauvais roman de chevalerie ; poussé par son génie, il va bien au-delà, en créant deux personnages immortels, incarnation du double aspect de l'âme espagnole, Don Quijote et Sancho Panza ; il meut en 1616, la même année que William Shakespeare...

Moins populaire que le roman, la poésie est cependant fort goûtée et les poètes sont légion : Alfonso de Ercilla, compagnon de Cortès, retraçant dans Araucan l'épopée de la conquête du Chili, Luis de Gongora, prêtre de propension amoureuse...

Enfin, au début du règne de Charles Quint, le théâtre a un strict caractère religieux ; dans les Églises et sur les parvis, se donnent des autos sacramentales représentant des épisodes des Saintes Écritures ou de la Légende dorée, l'ouvrage en latin de Jacques de Voragine, archevêque de Gênes, qui raconte la vie d'environ 150 saints, groupes de saints & martyrs, rédigé entre 1261 et 1266. Très vite, la scène se laïcise et dans toutes les villes importantes sont érigées des salles consacrées à des spectacles profanes. La profession est moins décriée qu'en France, pas question notamment de leur refuser la sépulture religieuse ! Les troupes sont fixes ou ambulantes et les rôles féminins sont bien tenus par des femmes, contrairement à ce qui se passe en Angleterre.

À la fin du règne de Philippe II apparaît une suite d'auteurs dramatiques d'une grande fécondité. L'un des premiers, et peut-être le plus grand, est Lope de Vega, petit hidalgo castillan, licencié de la Complutense, secrétaire du duc d'Albe, qio après des duels et sa fuite sur un vaisseau de l'Invincible armada, prend en 1614 l'habit de franciscain et accède à la prêtrise, entretenant encore maîtresses et enfants ; il meurt en 1633, protégé du roi, adoré du peuple et nullement mal vu de l'Inquisition ! Au cours de cette tumultueuse existence, il écrit pas moins de 1 800 drames ou comédies et plus de 400 autos sacramentales, soit en moyenne une pièce en vers par semaine durant 50 ans !

Guilhen de Castro & Tirso de Molina, à peu près contemporains de Lope de Vega, sont chacun les auteurs d'une centaine de pièces. Le premier, impécunieux, capitaine de cavalerie, terminant dans la misère, est connu pour ses Enfances du Cid, dont s'inspirera Corneille. Le second se fait chartreux après une existence fort dissipée.

Plus jeune, Caldérón de la Barca continue sa production jusque sous le règne de Charles II. À citer enfin, l'enfant terrible de l'époque, Francisco de Quevedo y Villegas, dont les pamphlets, satyres et contes philosophiques préfigurent Voltaire.



01/04/2016

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