071 - L'Orignilalité du génie espagnol -
La principale originalité de cette période vient de ce qu'elle a de solides et profondes racines dans le pays. La longue croisade contre les Maures comme les dissensions entre les royaumes chrétiens ont provoqué un état de tension qui s'est libéré lors de la réunification de la péninsule. La conquête du Nouveau-Monde est aussi une manifestation de ce besoin d'extériorisation ; les explorations ne sont pas menées au hasard mais obéissent à un impératif catholique : la défense et l'illustration de la religion romaine avec tout ce qu'elle comporte de flamme, d'intransigeance, mais aussi d'indulgence pour les faiblesses humaines et de faculté de pardon. C'est à partir de ces principes que peut se définir la toile de fond du Siècle d'Or.
L'esprit en est avant tout celui de la Contre-Réforme, prêchée par l'Espagne, championne de la Sainte-Foi, dont le souci est de placer son salut bien au-dessus de son confort et de son intérêt matériel. Foi brûlante et superbe individualisme sont les deux principaux ingrédients qui bouillonnent au fond de la marmite espagnole, épicés d'apports en provenance des dépendances flamandes et italiennes.
Le mouvement trouve son origine lorsqu'en 1509 le réformateur religieux et homme d'État espagnol, proche conseiller d'Isabelle la Catholique, régent de Castille, le cardinal Francisco Jiménez de Cisneros fonde sur ses deniers personnels l'Université d'Alcalá de Henares {la Complutense, du gentile d'origine latine d'Alcalá de Henares}. Ce mouvement s'amplifie avec l'importation des écrits d'Érasme, humaniste hollandais cherchant à définir un humanisme chrétien ; il est enfin relayé par le mouvement d'humanistes tels Francisco de Vitoria, Luis Vivès, Luis de Grenade, Luis de Léon... Si le médecin navarrais Miguel Servet découvre la circulation pulmonaire, c'est surtout grâce à Ignace de Loyola que la pensée espagnole se fait active et conquérante : en 1534, il fonde à Venise la Compagnie de Jésus qui reçoit en 1540 l'approbation pontificale ; à la mort de son fondateur en 1556, la Compagnie compte 13 Provinces et mille membres !
Les jésuites espagnols exercent en coulisse une grande influence sur les délibérations du Concile de Trente, notamment lors de ses dernières sessions (3° séance de 1562-1563), et fournissent à l'Église une série d'éminents théologiens et savants casuistes tels Francisco Suarez, Alfons Rodriguez, Gabriel Vasquez... Foisonnent également les mystiques, dont Thérèse d'Avila & Saint-Jean de la Croix, souvent tenus pour suspects aux yeux de l'Inquisition... Thérèse d'Avila donne à l'ordre du Carmel une "Règle" sur laquelle les siècles n'auront pas de prise et Jean de la Croix, fidèle disciple, l'emporte par la solidité de la pensée et la pureté de la langue. De leur vivant, l'Inquisition ne va pas sans les inquiéter tous deux, même si par la suite l'Église les canonise en dépit de sa grande prévention à l'égard des exemples d'indépendance que leurs effusions proposent aux fidèles...
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